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LE SOUTIEN AUX PROCHES AIDANTS: UNE CONDITION ESSENTIELLE POUR LE MAINTIEN À DOMICILE

Le soutien aux proches aidants :
Une condition essentielle pour le maintien à domicile

Par : Suzanne Girard, présidente et Yves Blouin, vice-président
Association des Proches Aidants de la Capitale Nationale

On assiste avec désarroi à ce qui peut être qualifié de véritable hécatombe dans un trop grand nombre de CHSLD, et ce malgré le courage et l’abnégation des employés restés au combat et de ceux venus leur prêter main-forte. On se demande tous comment on a pu en arriver là.

Plusieurs facteurs sont couramment évoqués : fragilité de ces établissements créée par un sous-financement relatif, préparation inadéquate à la crise qui s’annonçait, vétusté de certains bâtiments, etc. Ces facteurs, plus circonstanciels, sont certes importants et appelleront les correctifs requis en temps et lieu. Mais, nous voulons ajouter notre voix à tous ceux qui ont souligné un autre problème, plus fondamental celui-là : notre modèle québécois de prise en charge des aînés, trop axé sur l’hébergement en institution, constitue un énorme facteur de risque de dérapage en cas de pandémie. Clairement, un virage urgent s’impose pour favoriser le maintien à domicile de notre population vieillissante.

En effet, il est notoire que le Québec a recours à l’hébergement trois fois plus que les autres provinces canadiennes pour les personnes de 75 ans et plus. On sait également que le ratio est encore plus grand, si on se compare aux pays les plus avancés en la matière.

Cette particularité n’est pas sans conséquence. Entre autres choses, elle complique singulièrement le combat que nous menons actuellement contre la COVID-19. On peut aussi penser qu’elle est largement en cause dans le triste bilan du Québec en ce qui a trait au nombre de personnes qui ont contracté la maladie et qui en décèdent. Sans compter les autres dommages collatéraux que sont le nombre d’employés des CHSLD qui ont été infectés tout comme les ruptures de services en ayant résulté.

Pourtant, comme la politique gouvernementale « Vivre chez soi, le meilleur choix » le démontrait déjà en 2005, jusqu’à 96% des Québécois souhaiteraient vieillir à domicile, s’ils disposaient des services requis.

Parmi ces services, il y a d’abord et avant tout l’aide à domicile sous ses différentes formes : suivi médical, aide domestique, etc. Aucun État ne peut cependant offrir un niveau de services répondant à tous les besoins. La contribution de proches aidants, le plus souvent nécessaire, devient absolument déterminante dans les situations de plus grande vulnérabilité, où la personne en perte d’autonomie a besoin d’une présence plus continue. C’est ce genre de présence que fournissent bien des proches aidants qui veillent sur leur conjoint vulnérable, leur père ou leur mère. Nous voulons insister sur le fait que c’est cette précieuse contribution qui permet, plus souvent, de faire une différence, de retarder voire d’éviter l’hébergement.

Il faut cependant offrir un soutien à ces proches aidants si on veut diminuer significativement le recours à l’hébergement et éviter que leur propre santé ne se détériore. Malheureusement, on constate trop souvent que le proche aidant, tout entier à son dévouement, décède avant la personne qu’il assiste.

L’Association des Proches Aidants de la Capitale-Nationale (APACN) est un organisme communautaire qui, tel que son nom l’indique, offre des services de soutien aux proches aidants de personnes vulnérables vivant à domicile. Ces services prennent différentes formes : répit, soutien psycho-social, surveillance téléphonique, information et référence et, bientôt, halte-répit.

Tous les jours nous constatons l’état d’épuisement et de détresse dans lequel peuvent se retrouver ces proches aidants. Tous les jours, nous sommes témoins des conflits et des déchirements qu’ils vivent quand ils doivent se résigner à placer en hébergement l’être cher qu’ils assistent. Et, avec les événements récents, on peut imaginer que ces déchirements n’iront pas en diminuant.

Grâce aux subventions de généreux partenaires, l’APACN parvient à offrir environ 6000 heures de répit par année aux proches aidants, à raison d’épisodes sporadiques de quatre heures à la fois. Pendant ces périodes, la personne aidée est prise en charge par une intervenante compétente et le proche aidant peut bénéficier d’une pause. Malgré le caractère limité de notre offre (le nombre d’épisodes est limité et nous avons toujours une longue liste d’attente), nous constatons les effets bénéfiques de ces périodes de répit sur le moral des proches aidants. On peut facilement anticiper qu’une offre accrue contribuerait davantage à retarder ou éviter l’hébergement dans bien des situations. La politique québécoise des proches aidants actuellement en développement soulève beaucoup d’espoir de ce côté.

Nous sommes conscients qu’un rehaussement de l’offre de services à domicile et du soutien aux proches aidants entraînera des coûts importants, largement assumés par l’État. Mais, tous les experts en conviennent, ces coûts ne représenteront toujours qu’une fraction de ceux associés à l’hébergement. Il s’agit donc d’un virage répondant à la fois à la préférence des Québécois et à l’intérêt des finances publiques.

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